En approche du golfe de Gascogne. C’est sûrement l’un des derniers messages du bord que vous recevrez sur ce merveilleux Vendée Globe. C’est toujours à la fin que l’on se rend compte de tout le voyage, de cette course, du défi humain. Tant d’océans et d’eau ont coulé sous la coque de mon bateau.
On a vécu des hauts, des moins hauts et des bas. On a toujours réussi à garder la tête haute et à se battre pour récupérer des erreurs et des casses. Il est trop tôt pour vous dresser un bilan, mais j’ai les larmes aux yeux d’arriver au bout de ce tour, de par sa difficulté, car ça a été le plus complexe en météo et de par l’engagement que j’y ai mis. Le fait de ne pas être dans le groupe de tête ne veut pas dire que l’intensité est différente. Je suis super heureux de cette course, de la régate au contact, des pertes de classement, puis des remontadas à la Roura. J’ai mis mes tripes pour garder la pêche, le moral et ne rien lâcher. Aujourd’hui, je sens que mon bateau est au bout de ce qu’il peut faire. Énergie, voiles, safran, quille, cordages et j’en passe : il est temps d’arriver !
À l’heure où j’écris ce texte il fait gris, brouillard, mer très foncée. C’est presque triste dehors et pourtant ça me fait sourire : ça montre qu’on arrive à la maison.
J’ai une dose de stress monstrueuse depuis hier, j’ai l’impression de jouer ma vie à chaque minute. Je vais envoyer une voile sur le pont et je suis en stress de faire une boulette, pareil sur les réglages, je ne dors presque pas de peur de croiser un cargo de trop près et j’ai une pression personnelle du classement. Au final, de finir 16, 18 ou 20 ce n’était pas l’objectif au départ. Alors que le Top 15, oui. Mais finalement, c’est la bagarre qui est incroyable. C’est ça qui fait la beauté de la course.
On va offrir une ligne d’arrivée où probablement cinq bateaux vont arriver en une heure !
Une heure sur un tour du monde, c’est quoi ? C’est là que tu te refais la course : et si à ce moment j’avais viré et pas une heure après, j’aurais peut-être… Oui, mais ça ne marche pas comme ça !
Ce Vendée Globe aura pour plusieurs d’entre nous une saveur partagée, entre déception en termes de classement, et fierté d’avoir participé à cette incroyable régate à l’échelle de la planète. Car pour ma troisième participation, je n’aurais probablement pas signé pour cette place, mais maintenant que je suis quasiment arrivé, je réalise que j’ai vraiment pris mon pied. Et que j’ai tellement appris aussi !
Le bateau est dur, très dur, je ne pensais pas qu’il allait être aussi compliqué au portant. Mais quel bateau incroyable ! Mettez-lui juste des nouveaux foils !
Je suis ému aujourd’hui de voir un pan de ma vie qui se termine, quatre ans qui sont bientôt derrière maintenant. De quoi sera fait demain ? Je n’en sais rien, mais je ne regrette pas ce que j’ai accompli depuis mes débuts sur mon bon vieux mini 6.50 Navman.
© Vincent Curutchet