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Vendée Globe : Message du bord - Jour 67

6 jours

Option, passage de front et communication
  
Le jour s’est levé ce matin sur une nuit qui, ma foi, n’a pas été des plus simples ! Vent fort, mer atroce : j’ai compté 4 seconde d’intervalle entre chaque vague où le bateau tape, j’ai la tête comme une pastèque !

 
Je ne peux pas dire si notre option va payer ou non, peut-être me suis-je tiré une balle dans le pied, mais au moins j’aurai essayé un truc en fonction de mon bateau. Car si j’ai tenté, c’est pour la simple et bonne raison que les bateaux à foils avec lesquels je me trouvais sont beaucoup plus rapides que le mien dans les allures que l’on va avoir à partir de maintenant jusqu’aux Açores. Une différence liée à la différence de forme de nos foils, les miens étant moins typés pour le près et le reaching serré que des foils « classiques » . Il faut donc que j’essaye d’avoir une certaine avance, pour me donner un peu de marge dans la dernière ligne droite.
 
Du coup, on ne lâche rien ! C’est du non stop à bord, à régler, à tester, à faire avancer. Ce n’est pas facile de voir Damien aller à plus d’un noeuds plus vite et avec un meilleur angle depuis deux jours, mais je ne veux pas perdre d’énergie à me morfondre.
 
J’ai fais un gros travail de préparation mentale avec mon coach Alexis Landais en amont de la course. Et je ne me suis jamais senti aussi bien avec moi-même, avec mon bateau, et surtout aussi en phase avec mes décisions.
 
Il faut savoir que la confiance en moi n’est pas ma qualité première... J’ai appris, avec le temps, à prendre des décisions, à gérer mes émotions, à me faire mal, et à communiquer davantage, avec les autres mais je crois aussi avec moi.
 
En parlant de communication… C’est un aspect dont on parle peu mais qui est au cœur de notre quotidien. J’ai eu la chance de faire un premier Vendée Globe à 23 ans, animé par la fougue d’un gamin qui n’a aucune notion de ce qu’il est en train de faire. En communiquant simplement et spontanément ce que j’étais en train de vivre.

En 2020, mon deuxième tour du monde a été complètement différent, avec la volonté d’entrer dans une nouvelle dimension et un scénario qui ne s’est pas déroulé comme je l’avais imaginé. J’avais fais trop de plans, et pas assez pensé que cela puisse se passer d’une autre manière. J’avais eu énormément de difficultés à gérer ma frustration, j’avais beaucoup pleuré et là encore je n’avais rien cherché à cacher.

Donc aujourd’hui je suis de retour, plus fort, et conscient que la perception que le public peut avoir de moi a évolué, et sûrement encore plus pour ceux qui ont pris mon parcours en cours de route. Pourtant,  je n’ai pas changé, j’ai toujours eu à cœur de à montrer la réalité de ce que l’on vit à bord pendant ces courses en solitaire, que ce soit des moments de joie, les moments de réussite, mais aussi des moments de doute, des moments de fatigue.

Mais quand on consacre 9 ans de sa vie au Vendée Globe et que certains objectifs disparaissent en l’espace d’une heure, c’est très dur pour le moral et il y a toujours un moment de creux avant de rebondir et de retrouver la niaque. On ne se rend pas toujours compte de ce que cela implique d’être au départ de cette course.

Nous, on sait pourquoi on y va. Parce que c’est magnifique d’être là, parce que ce sont des aventures incroyables, de belles histoires à raconter et des énergies positives à diffuser. Mais il y a aussi des fois où on se demande ce qu’on fait là, après deux jours sans avoir réussi à dormir, ni à boire, à sortir arnaché sur le pont, ni pouvoir simplement pisser normalement.

Et dans ces cas là, il m’arrive de prendre ma caméra, pour documenter tout ça, que j’aie passé une bonne ou une mauvaise journée. Je raconte avec mes mots, avec la fatigue, sans relire, juste ce qui me passe par la tête.

Donc là, en toute transparence, j’ai encore des doutes sur mon option . J’ai potentiellement perdu le Top 15 ! J’en pleure, j’enrage, mais il faut rester focus, faire marcher le bateau. Et en même temps, je reste heureux d’être là, car être sur l’eau, c’est ce que j’aime.

© Jean-Louis Carli



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