vendee-globe-message-du-bord-jour-47

Vendée Globe : Message du bord - Jour 47

27.12.2024


J’ai récupéré un peu de mon manque de sommeil en enchaînant les siestes, et ça fait du bien ! Je profite aussi de la mer plate pour remettre mon bateau propre après ces heures passées à bricoler et à mettre du diesel bien gras partout. 

Pour moi, ce Noël aura eu un goût un peu amer. D’un côté je l’ai vécu avec la joie d’un enfant qui ouvre ses cadeaux, et de l’autre, confronté à la réalité de la situation qui est beaucoup moins drôle : mes problèmes de charge ne seront pas résolus. 

Avec mon équipe, nous avons passé de longues heures à échanger et à vérifier tout un tas de choses sur le groupe électrogène du bord qui fait office de génératrice pour charger mes batteries en absence de soleil. J’ai donc passé plus de 24 heures à faire tout ce que je pouvais à bord pour trouver la panne. Et là, le 24 décembre, tu envoies la toute dernière information, qui concerne les 3 diodes de la génératrice. Le temps passe. D’habitude tu as une réponse assez rapidement mais bon, c’est Noël donc tu te dis que c’est normal. Mais là le téléphone sonne, et c’est Cyril, mon directeur technique. C’est le genre d’appel redouté, tu sais ce qu’il va te dire, tu sais pourquoi il a mis du temps à te répondre, à chercher la solution miracle pour te dire que ça va le faire, que tu vas réussir à faire re-fonctionner ce groupe électrogène à 100%. Tu veux croire à ce miracle de Noël. Mais tu sais que la réalité, c’est que non. L’une des trois diodes est morte, et la génératrice ne peut plus charger les batteries comme avant. Avant, c’était une heure de groupe pour charger les batteries à 100%. Maintenant, c’est 15 heures de charge. 

Je vais donc devoir faire en sorte d’avoir assez de diesel pour tenir en cas de non soleil, jusqu’à la fin de la course. J’ai bien un hydro-générateur en sécu, mais qui n’a pas été calculé pour faire un demi-tour du monde fixé à l’arrière du bateau. 

C’est un coup dur, c’est malheureux… C’est un sport mécanique. 

Souvent, avant de partir, on nous demande nos objectifs sur la course. Tout feu, tout flamme, on lance des chiffres, des envies, tout en sachant au fond que tout ce qu’on se fixe est susceptible de changer au fur et à mesure de la course. Parce que c’est le Vendée, parce que même si tu as tout préparé aux petits oignons, il peut toujours se passer le petit truc qui ne pouvait pas être anticipé. 

Alors je navigue. Pas là où j’aurais aimé, mais je ne me morfonds pas. Je suis heureux d’être là où je suis, je me bats chaque jour contre les éléments, avec mon bateau et avec (ou contre) moi-même. 

C’est vraiment un Vendée particulier, une course très intense et difficile, avec des conditions comme je n’en avais jamais rencontrées. C’est dur, clairement. Il ne faut jamais baisser sa garde, pas même une heure. La moindre petite mauvaise option, petite erreur, petit retard ne pardonne pas. 

Ce jour de Noël m’a aussi rappelé que ma famille me manque beaucoup. Je vois mes enfants grandir de jour en jour, je vois dans les yeux de ma femme qu’elle aussi fait son Vendée Globe à terre, que les jours sont longs et que ma petite fille commence à s’impatienter. Alors je me projette sur notre océan Atlantique, sur ce bon vieux cap Horn que je devrais passer dans une petite dizaine de jours. Et faire route vers la maison !



SPONSORS