Hier se tenait la conférence de presse officielle de la Transat Jacques Vabre au Pavillon des Champs-Elysées, en présence des 39 équipages, dont 13 en IMOCA. Un aller-retour express à Paris pour Alan Roura et Frédéric Denis qui entament la dernière ligne droite dans leur préparation à la plus célèbre des transatlantiques en double à bord de leur monocoque La Fabrique.
Alan, pourquoi avoir choisi Fred comme co-skipper ?Alan : Fred est apparu comme celui qui a toutes les qualités nécessaires pour ce genre de course : il vient du Mini, c’est un solitaire comme moi, on peut s’apporter beaucoup mutuellement, il a envie de se lancer en IMOCA par la suite… Et humainement, c’est quelqu’un que j’apprécie, avec qui ça se passe bien. Même s’il mange beaucoup, surtout mon chocolat suisse (rires).
Fred, qu’est-ce qui vous a fait dire oui ?Fred : Ça va être ma première transat Jacques Vabre, en IMOCA en plus, c’est une super opportunité pour moi en vue de mes futurs projets. Et Alan a un parcours vraiment remarquable, il a su mener tous ses projets, c’est un bel aventurier qui n’a pas peur de se lancer. Ça fait plaisir de naviguer avec quelqu’un comme ça. Si on ne se connaissait pas tant que ça quand il m’a proposé, la mayonnaise a tout de suite pris. On n’a pas mis beaucoup de temps, il n’y a pas eu besoin d’efforts pour que ça se passe bien entre nous.Alan : C’est sûr qu’il y a peu de gens qui partent en mer plusieurs jours sans se connaître et qui reviennent avec le sourire !Fred : D’ailleurs je me souviens du message où Alan me proposait d’embarquer avec lui : je travaillais sur mes dossiers de sponsoring et j’ai réfléchi si la Jacques Vabre collait avec mon planning. J’ai d’abord répondu « Pourquoi pas, c’est faisable » pour me reprendre à peine une heure après en renvoyant : « Mais oui, carrément ! »
En quoi pensez-vous être complémentaires ?Fred : Alan a une expérience de mer et un sens de la navigation assez incroyables. Je pense qu’il a passé plus de temps sur l’eau que beaucoup de marins et ça se ressent ! En conduite de projet aussi, je suis assez impressionné. Je vais forcément en tirer quelque chose.Alan : J’ai certes pas mal d’expérience au large mais en compétition pure, j’ai beaucoup à appendre et Fred m’apporte beaucoup. Le côté marin ne suffit pas et Fred a cet autre côté de performance où il ne lâche jamais. Il va me pousser quand je serai peut-être trop conservateur tandis que je pourrai parfois replacer le curseur, car ce qui passe en Mini ne passe pas forcément en IMOCA. Ce qui est aussi intéressant, c’est qu’on connaît le bateau autant l’un que l’autre, donc on apprend ensemble, ce sera une vraie course en double.
Où en êtes-vous de votre préparation ?Alan : Au top, en pleine forme !Fred : La préparation physique que l’on fait depuis maintenant un mois avec Stéphane Eliot nous fait beaucoup de bien, surtout niveau gainage ! (Rires) Sur le bateau, l’équipe technique fait un super boulot, car il y avait quand même pas mal de travail de détail. Ce qu’il nous manque le plus, c’est de pouvoir naviguer au maximum. C’est ce qui nous fait un peu défaut car le timing est serré jusqu’au départ, mais ce sera l’objectif du mois d’octobre.Alan : C’est sûr qu’avec un projet qui part en juin, avec un nouveau bateau, on savait que ce serait vite la course. On tricote entre nos emplois du temps respectifs, ce n’est pas toujours simple mais on se débrouille. Si on regarde dans la perspective de mon projet sur quatre ans, on est dans les clous, à s’attaquer d’emblée aux bases sur le bateau. Mais maintenant, en vue de la Jacques Vabre, il va falloir naviguer autant que possible.
Lors de vos premières navigations ensemble, comment votre vie à bord s’est-elle organisée ?Fred : Il est tout le temps en travers du bateau, en plein milieu ! (Rires)Alan : Il est tout le temps à côté du sac de nourriture ! (Rires) D’ailleurs, à ce niveau là ça s’est tout de suite bien passé : on n’est pas difficile l’un comme l’autre, on mange globalement la même chose et on a même réussi à manger parfois ensemble. Grosso-modo, on fonctionne de la même façon.Fred : Tout s’est fait assez naturellement, on alterne les quarts, on a confiance en celui qui est en veille. On a un système de rotation mais qui ne sera pas forcément figé sur la Jacques Vabre, sur le long terme : car lorsqu’on se sent bien ça peut être bénéfique de rester un peu plus longtemps à la barre et aux réglages, tout en évitant de faire de l’excès de zèle. L’essentiel est aussi là : s’imposer davantage de périodes de repos ou de détente en journée afin d’avoir les batteries à bloc pendant la nuit. Il nous reste aussi à nous organiser sur le rangement mais sinon ça se passe bien !Alan : La répartition des tâches s’est un peu imposée d’elle-même aussi : j’étais plutôt sur le tour de vérification du bateau quand Fred s’occupait de l’électronique et préparait la navigation.
Justement, comment se prennent les décisions stratégiques ?Alan : Fred prend les fichiers météo et fait tourner les routages pour qu’on les étudie ensuite tous les deux, qu’on échange et qu’on prenne une décision ensemble.Fred : C’est une décision collégiale. Et pour l’instant, notre instinct fonctionne bien.Alan : On alterne aussi parfois, afin d’avoir à peu près le même suivi du bateau et de la situation météo, mais tout se fait assez naturellement finalement. Il nous reste à se caler sur qui va faire la communication ! (Rires)
Avec quels objectifs partez-vous ?Alan : Cette Jacques Vabre, c’est une joblist en vue des futures modifications que nous voulons apporter au bateau. Elle va nous permettre d’imaginer les futures évolutions, dans l’ergonomie, la performance, etc. Dans ma prise en main du bateau, être à deux va également beaucoup m’aider : nos deux avis et nos échanges avec Fred vont me faire gagner du temps.Fred : Une course en double permet de découvrir au mieux le bateau, de pouvoir tirer dessus au maximum. C’est là qu’on peut faire des essais, aller chercher les bonnes limites du bateau, car on sera plus performants à deux, sur la longue distance, qu’en solo. C’est une course très importante pour ça, pour pouvoir valider beaucoup de fonctionnements, de voir et travailler des choses qu’on ne pourrait pas forcément faire tout seul.Alan : C’est aussi une bonne reprise pour moi après le Vendée et ces trois dernières années qui ont été plutôt intenses. Et ce qui est super attirant, c’est le plateau en IMOCA ! On a un temps de retard sur certains qui ont leur bateau depuis beaucoup plus longtemps, mais c’est ce qui est alléchant. Sportivement, on espère un podium en non-foilers.Fred : Ce qui est sûr c’est qu’on n’y va pas pour enfiler des perles ! Quitte à être sur l’eau, autant y aller vite, on ne va pas laisser les autres nous attendre sous le soleil !Alan : Non, c’est nous qui allons les attendre ! (Rires) Finalement, j’y vais aussi un peu pour vivre une belle expérience en double car j’ai besoin de rester sur une bonne note sur ce point là. Et je pense que Fred est la bonne personne : deux solitaires sur un bateau, ça devrait le faire sans problème !
Vous participez à votre première course ce week-end à l’occasion du Défi Azimut…Alan : Ça va être notre premier test en situation de course à bord du nouveau La Fabrique, on a vraiment hâte. Ce sera l’occasion de continuer de trouver nos repères en double avec Fred, d’essayer plusieurs réglages et de se confronter à 9 de nos futurs adversaires sur la Transat Jacques Vabre. Les runs en équipage du dimanche nous seront aussi utiles pour nous jauger en vitesse pure et de pouvoir faire naviguer l’équipe technique afin qu’elle visualise en conditions réelles les éventuels ajustements ou améliorations que nous aurons encore à apporter d’ici le 5 novembre. Le Défi Azimut est une super course qui s’inscrit parfaitement dans le calendrier IMOCA, ce sera un peu une répétition générale !