Il y a un an, Alan Roura annonçait le rachat de l'IMOCA ex-Hugo-Boss d'Alex Thomson. Une annonce qui avait alors fait l'effet d'une bombe dans le paysage médiatique de la course au large, fruit d'un long travail de la part du jeune navigateur et de son équipe. Dans un peu plus de deux semaines, il prendra le départ du premier grand objectif de son projet : la Route du Rhum - Destination Guadeloupe. Retour sur une journée qui a tout changé et l'année folle qui en a découlé.
Pour Alan Roura, un partenariat avec une grande maison horlogère suisse et des navigations à bord d’un bateau de dernière génération ne sont plus de l’ordre du rêve. « Cela faisait longtemps que je passais devant le siège de Hublot en me disant ‘un jour peut-être, on fera équipe ensemble’ », confie le marin. Entre l’habitué des océans et le manufacturier, les points communs sont multiples : l’audace, le sens du collectif, le dépassement de soi... Leur accord, concomitant au soutien d’un investisseur, permet à Alan d’accélérer le rachat du bateau qu’il envie depuis l'arrivée du dernier Vendée Globe et une première visite, incognito, en Bretagne : la dernière monture d’Alex Thomson. Le lendemain, il s'envole pour Cascais au Portugal, afin de prendre part à un convoyage aux côtés du Britannique et de son équipage alors en opérations de relations publiques, direction Malaga. Quelques semaines plus tard, au moment de l'officialisation du rachat, Alan rejoint Toulon où la vente est finalisée après un contrôle général sur le gréement, la coque et le mât.
Dans la foulée, le Suisse, son fidèle acolyte Alexis Monier, Alex Thomson et son boat captain Ollie Heer, embarquent pour ramener le bateau à Lorient, son nouveau port d'attache. Les conditions sont délicates mais l’apprentissage n’en est que plus rapide. « Alex me guidait et chaque réaction de l’IMOCA, chaque sensation, me confortait dans le choix d’en faire ‘mon’ bateau », se souvient Alan. Le Britannique, lui, souligne la capacité du Suisse à « apprendre tout très rapidement » et reconnaît là un « talent brut », non sans lui rappeler ses propres premières années.
Durant les semaines qui suivent, Alan multiplie les navigations. Avec son équipe, il tente, teste, essaie pour s’adapter à sa nouvelle machine. « Il fallait se mettre dans la tête d’Alex Thomson pour comprendre comment l’utiliser, comment l’optimiser, comment en tirer le meilleur. » Plusieurs marins de renom, dont Sébastien Josse, l’accompagnent parfois afin de l’aider dans cette démarche. « Progressivement, on a commencé à faire nos propres choix, trouver une voile plus légère, les bons angles, le bon poids ».
Pour la première fois, Hublot est présent sur la ligne de départ d’une course IMOCA. La Guyader Bermudes 1 000 Race fait office de rentrée des classes pour les marins au large de la Bretagne. Pour Alan, les six jours de course sont délicats (15e) mais permettent un état des lieux complet de ce qu’il reste à accomplir. « Cette expérience a servi à identifier les points à travailler,, pour revenir plus fort. »
Il le démontre un mois plus tard lors de la Vendée Arctique Les Sables, première course qualificative pour le prochain Vendée Globe. La course de 3 500 milles (5 630 km) est finalement réduite en raison de mauvaises conditions météo. Mais l’essentiel est ailleurs. Alan est « dans le match » : « J’ai navigué en regardant moins le mode d’emploi, en allant au bout de mes options, en cherchant le bon compromis ». Alan achève la course au 7e rang, impressionne par sa vitesse, sa trajectoire et surtout « commence à être fusionnel avec (son) bateau ».
Contrairement à nombre de ses concurrents, le bateau n’a pas eu de phase de chantier durant l'été. « Il est déjà extrêmement fiabilisé et nous n’avons eu aucun souci technique depuis que nous l’avons acquis, » souligne le skipper. L’occasion de poursuivre les navigations et de changer progressivement d’approche. « Avec l’équipe, il fallait du temps afin que l’on s’approprie totalement le bateau, qu’il ne soit plus celui d’Alex mais le nôtre. C’est une étape particulièrement importante pour la suite du projet ».
La rentrée est difficile pour Alan, qui a désormais pleine consciences des points faibles de son bateau. Face à des concurrents rodés et menant de mains de maîtres des unités plus polyvalentes, Alan continue de faire les frais de voiles typées vent arrière, en fin de vie, sur des parcours atlantiques où la moitié se courre au près. Parmi les plus performants sur les bords de portant, Alan axe donc la suite de son apprentissage sur les allures moins favorables à sa monture et ne peut que se satisfaire de voire payer son travail. En octobre, nouvelles voiles à poste, les derniers entraînements s'enchaînent et le constat est sans appel : cet IMOCA Hublot en a définitivement « sous la pédale », peu importent les axes du vent. De quoi tisser un lien fort avec ce bateau et de se montrer plus ambitieux que jamais.
Histoire à suivre...
Photo © Martin Kéruzoré / Bonhôte