En 2016, Alan s’était révélé par sa fraîcheur et sa ténacité à toute épreuve. Même la casse de son safran en pleine dépression du Pacifique Sud n’était venue entamer sa joie d’être en mer. Cette année, il expérimente un tout autre type de Vendée Globe : celui des galères, où sa candeur a du laisser place à un dur pragmatisme. Mais le benjamin de cette neuvième édition s’accroche et est toujours 15ème, en approche du cap Horn qu’il devrait doubler d’ici 48 heures.
La fin du tunnel est proche pour Alan Roura ! Bientôt trois semaines que le skipper de La Fabrique subit la colère du Pacifique Sud, qui a tardivement décidé de se montrer à la hauteur de sa réputation. Les conditions anticycloniques qui y régnaient lors du passage du groupe de tête ont en effet cédé la place à des conditions plus communes aux contrées hostiles des 50èmes degrés Sud. Dépression après dépression, Alan Roura a donc du, tour à tour, faire le dos rond pour ménager sa monture blessée, ou trouver de nouveaux réglages afin de profiter des vents forts pour garder ses distances avec ses poursuivants. Sans cesse assailli par Pip Hare et Arnaud Boissières, menacé par le retour tonitruant de Jérémie Beyou, le jeune Suisse résiste et tient bon. À quelque 600 milles du cap Horn, La Fabrique est toujours quinzième, bien que rétrogradée au 16ème rang pendant 24 heures, jusqu’à ce que la navigatrice britannique doive lever le pied afin de changer le safran de son valeureux Superbigou. Ironie du sort, c’est à cet endroit précis, il y a 4 ans, presque jour pour jour, qu’Alan effectuait la même opération périlleuse, à bord du même bateau, en pleine tempête australe. Cette année, si les soucis l’ayant forcé à faire une croix sur ses objectifs sportifs sont survenus plus tôt sur sa route, celle qu’il lui reste avant le troisième et dernier cap de son tour du monde en solitaire ne s’annonce pas plus simple pour autant.
Outre une dernière tempête attendue ces prochaines heures et des conditions de vent et de mer toujours difficile et très irrégulières, Alan Roura sait en effet combien le passage de ce dernier cap peut se montrer difficile psychologiquement. Symbole de délivrance marquant la fin des mers australes, le Horn ne l’est pourtant que sur le papier : la remontée de l’Atlantique ne sera pas pour tout de suite et elle sera longue, avant de rejoindre l’équateur et ses conditions tropicales puis la ligne d’arrivée tant espérée. Pour l’heure, le Genevois est parvenu à faire le deuil de sa course, retrouve goût au bonheur d’être en mer et profite ainsi des petites joies de cette aventure hors norme. Jeudi, il s’émerveillait de voir, pour la toute première fois, la neige tomber sur le pont de son voilier, un rire franc et communicatif qui n’avait depuis longtemps résonné à bord de La Fabrique. Vendredi, en direct du Vendée Live de l’organisation, il avouait que sa « victoire » serait désormais « de terminer ». Peut-être est-ce là l’essentiel : savourer, et accepter qu’un deuxième Vendée Globe, à 27 ans seulement, sera déjà une sacrée réussite.
Photo © Alan Roura / La Fabrique - VG2020