Ses problèmes de quille le forçant à mettre sa course au second plan et à trouver de nouvelles façons de faire avancer La Fabrique, Alan Roura s’applique et s’accroche. Mieux, ses poursuivants revenus à sa hauteur, le jeune navigateur a cessé de faire cavalier seul et peut de nouveau laisser s’exprimer son âme de compétiteur. Et tient bon ! À 5 000 milles de l’arrivée, la course est encore loin d’être terminée.
Depuis ses premiers soucis de quille le 28 novembre dernier, qui l’obligeaient à laisser passer une bascule de vent décisive pour son entrée dans les mers du Sud et, par la même occasion, à laisser filer ses compagnons de route d’alors (Clarisse Crémer et Romain Attanasio), Alan Roura poursuivait son bout de chemin, un peu dans son coin. Depuis rattrapé, puis doublé, par Jérémie Beyou à la barre d’un Charal de dernière génération, ainsi que par Arnaud Boissières sur La Mie Câline - Artisans Artipôle du même potentiel que La Fabrique à 100% de ses capacités, le goût de la régate est de retour chez le skipper suisse. Forçant déjà l’admiration de par son abnégation à boucler son tour du monde en solitaire, sans escale ni assistance, malgré le potentiel réduit de son bateau, le benjamin de cette neuvième édition du Vendée Globe impressionne, à tenir ainsi tête à ses nouveaux concurrents. Ce jeudi, il est même revenu à moins d’un mille d’Arnaud Boissières, qui avait pourtant creusé l’écart de plus de 80 milles. La semaine passée, c’est Jérémie Beyou qui, lors d’une vacation, saluait cette performance et cette pugnacité à toute épreuve : « Alan fait une course pas simple. Il a fait tout le Sud avec la quille dans l’axe, c’est un numéro d’équilibriste. Mettre la quille au vent c’est un gage de stabilité pour les bateaux. Il est sur une savonnette depuis des semaines et il s’en sort plus que bien. Je pense qu’un paquet de gens aurait jeté l’éponge, et de manière totalement légitime, et lui va jusqu’au bout des choses et de son Vendée Globe. C’est vraiment à saluer. » Lorsque c’est l’un des grand favoris au départ qui le dit…
Tenir bon semble donc être le secret de la réussite cette année. Tout comme de prendre son mal en patience et d’accepter le visage décidément étrange de ce Vendée Globe 2020-2021. Car il n’aura épargné aucun de ses participants, les leaders de la flotte étant eux aussi bien loin de leurs objectifs de tour du monde en 70 jours. D’un Top 10 rêvé, le jeune Suisse pourrait déjà être fier d’avoir conservé sa place au sein d’un classement complètement chamboulé. Bateaux de génération 2015 encore prétendants à la victoire, monocoques à dérives aux avant-postes, favoris en milieu de peloton, records des éditions précédentes loin d’être battus… Cette neuvième édition restera bien celle de la lenteur, marquée par des conditions, si ce n’est pas toujours clémentes, particulièrement inhabituelles. Un défi psychologique à surmonter, ainsi que de nouveaux challenges à relever, entre rationnement de la nourriture à bord et gestion de ses forces après, déjà, 75 jours de mer. Ou comment apprendre, encore, à tenir bon, sur la distance. Une belle expérience !
Photo © Alan Roura / La Fabrique - VG2020