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Vendée Globe, semaine 2 : Encaisser les épreuves

25.11.2024


La vie est rarement un long fleuve tranquille, alors quand on décide de mener la sienne au gré des humeurs de l’océan, il faut accepter son lot d’épreuves adjacentes. À contrecœur mais avec humilité, Alan Roura s’y est employé sur cette descente de l’Atlantique, qui ne lui a décidément pas été bénéfique.

Il essaie de sourire, de trouver le plaisir là où il est – une jolie phase de glisse pour l’IMOCA Hublot, la joie d’un bricolage réussi, le franchissement pour la neuvième fois de sa vie de l’équateur, ce qui commence à faire un sacré paquet d’offrandes à Neptune ! Mais derrière l’œil qui pétille, le front reste un peu soucieux, la voix plus serrée qu’à l’accoutumée. Non décidément, en cette fin de deuxième semaine de Vendée Globe, Alan Roura n’est pas là où il aimerait être, et ne peut pas le cacher.

À qui la faute ? Comme souvent dans les plus belles histoires, la réponse n’est jamais simple, évidente, manichéenne. Voilà donc Hublot au cœur d’une étrange conjonction : une situation météorologique sans précédent, un petit temps qui ne lui réussit pas et persiste pourtant, et des décisions regrettées amèrement.

L’espoir vire au cauchemar

Tout a commencé avec cette dépression stationnaire aux abords des Açores, venue bouleverser tous les schémas qui d’ordinaire régissent les grandes lois atmosphériques de la région. Cette année, il fallait innover pour trouver la clé de la porte de l’Atlantique Sud.

L’espace de quelques heures, Alan Roura a cru en être au seuil, grimpant dans le classement au point d’atteindre le podium. Mais pour vaincre cette vaste et inhabituelle barrière déventée, il fallait en réalité la contourner. Par l’Ouest, sans se soucier de devoir faire bien plus de route. Comme toujours, c’est plus facile à dire lorsque la solution a été donnée, car sur le coup, l’espoir était permis, et l’essai, s’il avait été transformé, aurait pu permettre de frapper un grand coup. Et ce n’est pas l’Italien Giancarlo Pedote, ou encore les Jean Le Cam ou Conrad Colman qui diront le contraire : qui ne tente rien, n’a rien !

Mais qui tente et échoue, subit souvent la double peine. La malchance peut ainsi grimacer aux audacieux. « Les yeux bandés, je n’ose plus regarder le classement. Sur le papier, ça devait beaucoup mieux se passer, mais en réalité…», résume lapidairement le compétiteur de 31 ans. Encore moins de vent que le peu de vent attendu, et l’espoir vire au cauchemar. Voilà Hublot obligé de s’aligner à l’arrière de la flotte, en 34e position…

Toujours honnête et lucide, Alan Roura reconnaissait avoir sa part de tort dans la mésaventure. « La route que j’ai choisie au début me coûte actuellement assez cher… Je n’ai pas très bien navigué et je n’ai pas voulu me remettre en question quand il était encore temps. J’avais pourtant travaillé en amont pour ne plus faire ce genre de bêtise, et là, à la première occasion, j’y vais !, écrivait-il humblement. Mais je garde la pêche et l’envie de me battre, promet le navigateur. Je ne suis pas venu ici pour ça, alors maintenant, c’est fini les bêtises ! On reste focus pour recoller au peloton ».

« C’est dur parce que ça ferme une porte »

Assez de pain noir pour une seul marin ? Pas tout à fait, car un autre obstacle se dessinait déjà devant la flotte : le Pot-au-Noir, cette zone de convergence intertropicale, souvent assimilée par les marins au célèbre jeu de la roulette russe. En d’autres termes : on ne sait jamais à quoi s’y attendre. Largement ralenti dans ce lieu mouvant qui mêle tout à la fois orages violents et calmes plats, Hublot n’aura pas eu la réussite espérée pour se rattraper, et ressort de là sans grands dégâts, mais sans gain majeur non plus.

Avec un peu de frustration, Alan Roura reprend alors sa course vers le Brésil, s’affaire malgré la chaleur étouffante, et remonte patiemment à la 24e place. C’est là que l’Atlantique décide de dégainer un nouveau pied-de-nez à notre Suisse préféré. Cette année, s’il a décidé de laisser passer avec velléité les premiers, c’est tout le contraire pour les retardataires qui auront raté le train, et devront patienter sur le quai brésilien !

« C’est dur parce que ça ferme une porte, résumait amer Alan Roura, aux prises en outre avec un piston défaillant sur sa pompe hydraulique de foil qui l’empêche de le régler correctement. On n’est pas à l’abri de recoller ensuite, bien évidemment, mais dans l’instant c’est dur pour les nerfs. Il ne faut donc pas trop y penser. »

Les dés sont jetés et il faut l’accepter. Composer avec les difficultés, ne surtout pas se lamenter car « quand le mal est certain, la plainte ni la peur ne change le destin. » Cela tombe bien, ce n’est clairement pas le genre d’Alan Roura, qui préfère se concentrer sur ce qui est à sa portée. Les mains dans l’huile à réparer ses tracas mécaniques, la tête déjà tournée vers ces Mers du Sud où son expérience peut faire la différence, il positivait : « Tout le monde ne va pas partir avec la dépression dans le groupe de devant, on va sûrement en retrouver certains dans pas longtemps ! ». Et si une seconde chance s’offre à lui, il ne compte décidément pas la laisser s’échapper à nouveau. Après l’Atlantique farceur, l’océan Indien sera-t-il rédempteur ? 







Photo © Vincent Curutchet / Hublot 



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