On peut dire que les dernières 24 heures n’ont pas été de tout repos. Et en même temps… si !
C’était émotionnellement intense et stressant, car j’ai dû mettre la performance de côté pour ne pas plier le bateau. La mer s’est formée petit à petit, jusqu’à devenir cassante : cette vague qui te prend par l’arrière avec une déferlante qui s’écrase sur la coque. Le bateau se fait projeter à 30 nœuds, mais toi… toi, tu ne veux pas aller à 30 nœuds là-dedans. De toute façon, le vent ne fait que monter : 30, 35, 40, 42 nœuds… Bon, on essaye de temporiser et de trouver une vitesse moyenne correcte.
J’ai fini sous 3 ris et J3, une configuration très sage qui permet au bateau de bien passer dans cette mer. Avec une moyenne calée à 16 nœuds, tout allait bien. J’avais cependant remarqué depuis un moment un léger trou dans le J3, au niveau d’un chandelier. Mais avec la loi de Murphy qui semble bien installée depuis une semaine, il n’était plus raisonnable de continuer sous J3 au risque d’aggraver les dégâts.
Et là, c’est le moment que personne n’aime : le passage sous tourmentin, cette « voile de grosse tempête ». Ces deux voiles sont faciles à changer car elles sont petites et légères, mais quand il faut intervertir deux voiles à l’avant, sur le pont, avec 40 nœuds de vent… Tu regardes la mer et tu comprends vite que tu n’es pas chez toi ici. Bref, un petit moment chaud.
Malheureusement, avec 3 ris et le tourmentin, je n’avançais plus. J’ai donc renvoyé un peu de grand-voile, ce qui m’a permis de retrouver une moyenne « lente », mais sécurisante. J’en ai profité pour essayer de dormir autant que possible, mais clairement, avec cette mer, ce n’est pas là où tu dors. Le bateau est projeté dans tous les sens, tu n’arrives pas à trouver une position, et même manger devient compliqué. Du coup, j’ai beaucoup essayé… et très peu réussi.
Là, je viens de dérouler le J2. Je tente ! C’est chaud, car le bateau s’emballe fort. Le vent reste instable, donc il faut être lucide et proche des écoutes.
Côté vie à bord, j’ai eu la mauvaise idée de cuisiner une cuisse de canard. Résultat : j’ai enfumé le bateau au point que tout sent le canard maintenant. C’est peut-être un mal pour un bien, vu les autres odeurs ambiantes... au moins, ça homogénéise le tout !
Je suis actuellement emmitouflé dans mon sac de couchage pour rester au chaud. Les prochaines heures s’annoncent encore sportives : le vent va se calmer, mais la mer, elle, prendra plus de temps. On va donc continuer à se faire secouer un moment. Dès que ce sera possible, j’irai mettre une nouvelle voile sur le bout-dehors.
© Jean-Louis Carli