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Vendée Globe : Message du bord - Jour 50

29.12.2024


Glacial. Je suis au point de me demander si je mets mes gants à l’intérieur du bateau, car je passe plus de temps à les laisser dans les poches polaires de mon pilou-pilou marin (salopette chaude) qu’autre chose. Sous le sac de couchage tu essayes de te réchauffer, mais tout est tellement froid et humide autour de toi qu’avant de pouvoir te réchauffer toi, ta chaleur doit réchauffer ce que tu touches. Et oui le petit Suisse est frileux, mais je ne pensais pas me cailler à ce point-là. Dès que tu t’actives tu transpires, donc ça réchauffe un coup, mais après tes habits sont mouillés donc tu as froid, donc avant de manœuvrer il faut enlever des couches ou alors en changer après.  

Je pense aussi que je suis très fatigué mentalement, ça me bouffe de l’énergie et j’en aurais plus besoin pour me réchauffer actuellement que de stresser à cause de la dépression dans laquelle je me trouve. Si j’en ai bouffé des dépressions, des grosses vagues, etc. celle-là je ne sais pas pourquoi mais elle ne m’inspire pas confiance, alors j’y vais à reculons. Déjà depuis hier les vents sont complètement faussés comparé aux fichiers, et la mer est déjà très formée et courte. J’ai 400 milles à partir de maintenant où il va falloir serrer les fesses et après ça ira mieux. 

Dans 5 jours environ : le cap Horn. Je peux vous dire que je compte les jours, les heures et les minutes. J’étais tellement pressé de revenir dans le grand Sud pour profiter de tout ça. Au final je n’ai rien retrouvé de ce que j’avais connu, sauf les albatros. De ce qui me faisait dire : « le Vendée Globe j’y retourne juste pour le grand Sud c’est tellement GE-NI-AL ! ». « Non mais tu t’entends Roura ? Jamais plus tu ne redis ça. » Le grand Sud cette année c’est rude, sauvage, tonique, et pas fait pour faire du bateau. Alors maintenant tu te bouges et tu vas rejoindre l’Atlantique vite fait bien fait. Bref, je commence à parler de moi à la troisième personne, il est temps de revoir du monde : un bateau, un avion, quelque chose. Une terre, ah ça, ce serait cool de voir un caillou. Je n’ai pas vu de terre depuis les Sables d’Olonne. 

Au moment où j’écris ce message, la course prend une toute autre tournure… Le hook de capelage (le plus important) vient de casser, laissant le « JibTop », la voile de gros temps (super pratique et passe-partout) finir embrochée dans le foil et enroulée tout autour… Tout ça dans 30 nœuds de vent et 5 mètres de mer ! La bonne nouvelle - si je dois en trouver une - c’est que j’ai récupéré la drisse, l’enrouleur et mes écoutes. Mais la voile finira malheureusement ses jours au point Némo… Je pourrais décider de ne pas en parler, laisser la voile dans l’océan… Mais ça m’énerve tout autant que vous. J’ai essayé de la remonter à bord mais impossible de manœuvrer le bateau avec 130 mètres carrés accrochés sur le côté. C’était elle ou mon foil. C’est une grosse douche froide ce matin, il fait encore nuit et je suis juste déboussolé. À chaque fois que je reviens sur mes copains de devant, j’ai un truc…

Je fais route sous grand voile et J3 pour le moment, je reprends des forces et je regarde ce que dit le vent. Savoir si je déroule mon J2 ou pas. Je dois préserver les voiles qui me restent pour la remontée de l’Atlantique, c’est chaud mon histoire…



Photo © Vincent Curutchet



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