13° Sud. Me voilà au niveau de Salvador de Bahia, dans une flotte de bateaux divers et variés. J’ai l’impression d’avoir payé pour mon erreur stratégique en début de course, est-il possible que la chance tourne un peu ?
J’ai eu des gros moments de moral dans les chaussettes, je n’ai jamais baissé les bras, j’ai toujours poussé le bateau et le bonhomme pour avancer au plus vite et remonter petit à petit. C’est dur humainement… Quand tu sais que tu as raté le wagon, que tu va devoir cravacher toute la course. Je ne suis pas le seul à l’avoir raté mais… Mais je ne suis pas sensé être là. Je kiffe naviguer avec mon bateau, trouver encore des nouveaux réglages, j’étais même content de sortir la boîte à outils hier et de me lancer dans une sacrée réparation.
Je suis censé plonger aussi, pour aller voir l’état de la quille, mais pour l’instant il y a encore trop de vent et trop de mer. J’ai ma petite voix dans la tête qui me dit « Pense à ta famille ! » Même si on ne parle « que » de 8 noeuds de vent, ce ne serait pas sérieux d’aller scier du composite sous mon bateau tout seul dans ces conditions-là.
Tout seul, c’est un peu le thème de ce Vendée Globe. J’ai internet, comme à la maison, mais à part pour télécharger des podcasts ça ne me sert pas à grand chose. Je n’ai jamais eu aussi peu d’échanges avec la terre. Souvent les gens demandent si c’est toujours pareil, le Vendée Globe, avec nos moyens de communication. Et bien jusqu’ici, hormis avec les médias, j’ai très peu de contacts. C’est le jeu de ce sport solitaire. J’ai rarement pris autant de plaisir à être sur l’eau, et en même temps, je ne me suis jamais senti aussi seul.
J’ai mon Italien favori à côté de moi, on échange assez régulièrement par messages vu qu’on est dans la même galère avec nos super bateaux ! Ça fait du bien de parler à quelqu’un qui vit la même aventure.
J’ai hâte de rejoindre le grand Sud, c’est ma carotte maintenant ! Sortir de cette zone compliquée et pouvoir aller tirer dans le bateau dans des conditions qui ressemblent à un Vendée. Parce que là, naviguer dans 10 noeuds de vent, c’est bon, on a donné depuis le départ !
Et je sais que je vais de nouveau me plaindre quand il y aura 30 noeuds, parce qu’un marin ce n’est jamais content… Mais sans nos sautes d’humeur et notre côté grincheux, on serait des coquilles vides qui n’ont rien à raconter, pas vrai ?
Il va bientôt être l’heure de remettre ma pompe hydraulique de foil en route : je vais toucher du bois pour que ça fonctionne sinon c’est LE merde comme dirait Simon Koster !
Photo © Jean-Louis Carli / Aléa