J’attends de voir chaque fichier météo, savoir comment je vais me sortir de cette phase bien merdique. Pour le moment, j'avance très lentement : je n'ai pas le choix, je suis en vent plein cul car autrement je n’arrive pas à tenir le bateau. Je fais au mieux pour ne pas avoir à empanner là dedans sans pouvoir quiller et malgré tout avancer au mieux sur la route. Et je prends très, très cher.
Le vent est très instable, la mer est horrible. Le Pacifique n’en a que le nom ! 42 noeuds fichiers, ça se termine avec le vent qui passe de 20 à 45 noeuds en quelques secondes, plusieurs heures dans 60 noeuds de moyenne, et des rafales encore plus fortes. Ça calme. Je n’ai pas de porte de sortie, à part affaler la GV et rester sous J3 seul, enfermé à l’intérieur à atteindre que ça passe.
C’est bête, ce sont justement les conditions que j’espérais avoir quand mon bateau était encore à 100%… Là, je suis à tout juste 70% de son potentiel. Pas le choix. Les autres vont forcément un peu plus vite, je ne peux rien y faire. Objectif : passer le cap Horn avec La Fabrique en un seul morceau. Le reste, on verra.
Pour le moment, rien de cassé à bord, il va falloir serrer les fesses encore quelques jours. Quand ce sera un peu plus faible je pense réussir à tenir des vitesses encore pas si mal. Pour l’instant, c’est plutôt le mode survie, ambiance glaciale, humide et toutes les 10 minutes, je traverse la cellule de vie pour m'écraser dans la cloison du puits de quille.
À chaque instant, je me demande ce qui va bien pouvoir péter. Je suis en mode très sage, je n’ai pas trop de toile dehors, mais la mer nous prend et nous jette comme une vulgaire coque de noix.
Entre le bruit de la quille, le bruit des foils, le bruit des voiles, c'est un festival sonore. Je lance une charge moteur pour réchauffer l'intérieur, histoire d'avoir un minimum de confort, mais même manger est compliqué. Ce n’est vraiment pas drôle mais il faut réussir à passer cette phase sans casser trop de matériel et espérer qu'après le Horn, ce soit plus correct, jusqu'au Brésil. Sinon je ne réponds plus de mon état niveau moral !
Photo © Alan Roura / La Fabrique - VG2020