Les yeux qui brillent, la voix qui tremble, le cœur qui bat. Ce n’était pas exactement un rendez-vous galant, ou peut-être que si finalement… Celui d’Alan Roura avec le Vendée Globe, une histoire d’amour qui dure depuis près de dix ans maintenant, et qui fait toujours autant chavirer le corps et l’âme du marin suisse !
Il n’a même pas eu le temps de penser à les contenir qu’elles étaient déjà là. Les larmes de joie ont embué ses yeux dès ses premiers pas sur le mythique ponton des Sables d’Olonne, en ce dimanche 10 novembre au matin. Heureusement qu’il n’y avait pas tant de foulées à faire pour fendre la foule, saluer avec affection et un sacré brin d’envie le si convoité trophée du Vendée Globe, et gagner son bel IMOCA Hublot, parfaitement préparé par le Hublot Sailing Team, et prêt à couper le cordon avec la terre ferme pour l’embarquer dans une drôle d’aventure.
“J’ai une machine incroyable, des partenaires merveilleux, j’ai une équipe de ouf. Je suis très fier, très heureux d’être là, j’ai hâte d’aller faire du bateau. Ce troisième Vendée Globe, c’est celui de la maturité. Merci à tous pour cette belle fête”, a lancé devant les caméras internationales le marin suisse, la gorge nouée par l’émotion, alors qu’il s’apprêtait à larguer les amarres.
A 9 h 45 précisément, après s’être jeté dans les bras de ses proches et de son concurrent et ami Conrad Colman, c’est tout sourire que cet Alan Roura des grands jours a quitté la terre ferme. Heureux comme un gamin passionné, comme un marin accompli, comme un compétiteur acharné, avec un petit trac en plus…
Car avant de rejoindre la ligne de départ de son troisième Vendée Globe consécutif, il y avait une première épreuve émotionnelle de taille à franchir : celle de la descente du chenal des Sables d’Olonne. Pour la troisième fois de sa vie, et quatre ans après une édition sans public à cause de l’épidémie de Covid-19, le navigateur suisse a savouré chaque seconde de ce rite initiatique, et constaté combien son amour pour le Vendée Globe est loin d’être une relation à sens unique !
Partout sur les quais noirs de monde, les quelques 350 000 personnes du public ont scandé son prénom, et fait résonner le fameux slogan “Hip hip hip, Roura”, qui avait accueilli le jeune marin d’alors 23 ans à l’arrivée de son premier tour du monde sans escale et sans assistance, en 2016. Surtout, au milieu de cette foule si dense, d’innombrables drapeaux suisses se sont agités à son passage, alors qu’Alan Roura dégainait lui aussi l’étendard rouge à croix blanche et sa traditionnelle casquette de capitaine, pour saluer, depuis la proue de son IMOCA Hublot, son pays d’origine et tous ses supporters. Des équipes et des clients du célèbre horloger suisse ont d’ailleurs profité de ce spectacle unique, encourageant de tous leurs applaudissements leur skipper-ambassadeur, pour partager ce moment qu’ils ont construit ensemble depuis trois ans !
“C’est bon, c’est tellement bon de voir la voile suisse représentée comme ça, de sentir le soutien de notre pays. C’est un honneur de descendre ce chenal pour la troisième fois, j’espère que ce sera un honneur de le remonter avec une belle place à la fin”, s’est ému le marin de 31 ans, “euphorique” de voir “autant de monde”. “C’est du jamais vu, j’ai l’impression que l’émotion n’est même pas sortie, il n’y avait pas la place. Je suis hyper fier de ce qu’on a fait”, expliquait-il à la barre de son Hublot jaune et noir, aux courbes uniques et si impressionnantes.
Et puis est arrivé le moment. “Le dernier bout de ponton. Le dernier bout de terre que tu dépasses. Le dernier humain inconnu qui te fait coucou. Lui, il ne le sait pas, mais c’est le dernier gars que toi tu vas voir avant plusieurs mois, c’est un truc impossible à exprimer. Les Sables d’Olonne aussi, tu pleures deux fois : quand tu pars et quand tu reviens”, souriait le marin, avant de rentrer dans sa bulle de concentration. “C’est un long voyage qui commence”, lançait-il alors que, dans son tableau arrière, s’éloignait l’immense foule en liesse.
Une aventure qui débutera officiellement à 13 h 02 dans la baie des Sables d’Olonne. 45 000 kilomètres à parcourir, quatre océans à parcourir, et d’innombrables péripéties en chemin… Une course unique, exigeante, redoutable, mais aussi tellement belle et joyeuse. Car heureux qui comme Alan, va faire, décidément, un très beau voyage…
Photo © Vincent Curutchet / Aléa