La référence est évidente, mais l’objectif n’en demeure pas moins ambitieux. C’est une envie riche en symboles qui anime en effet Alan Roura pour son deuxième tour du monde en solitaire : égaler (ou améliorer) la performance de Phileas Fogg, célèbre héros voyageur de Jules Verne.
74 jours sur un Vendée Globe, 42 jours en multicoque, 40 jours en équipage… Il y a longtemps que les meilleurs marins au monde ont franchi la fatidique barre des 80 jours pour réaliser un tour du monde à la voile. Et pourtant, c’est bel et bien cet emblématique temps de course qu’Alan Roura espère viser à l’occasion de sa deuxième participation au Vendée Globe. « Ce nombre vient forcément du roman de Jules Verne, que j’ai lu enfant, explique-t-il. Je trouve la référence jolie, ça me donnerait l’impression d’entrer dans le club un peu fermé de ceux qui tournent autour de la terre en moins de 80 jours. » Mais le jeune Suisse possède-t-il ce qu’il faut pour intégrer ce cercle de circumnavigateurs pressés ? En 2008-2009, il avait fallu 89 jours à son bateau pour boucler la boucle, hissant son skipper de l’époque, Armel Le Cléac’h,sur la deuxième marche du podium. Quatre ans plus tard, Bertrand de Broc terminait 9ème de l’édition 2012-2013 après 92 jours de mer. « Le bateau en est capable, assure ainsison skipper de 27 ans, il n’en était pas si loin les dernières fois. Et en trois ans, nous l’avons fait évoluer, nous lui avons apporté beaucoup d’améliorations. » Les avancées techniques en termes de matériaux (voiles, composite…), les progrès au niveau des technologies embarquées (pilote automatique, électronique, logiciels de navigation…) ainsi que l’attention toute particulière du team apportée à La Fabrique depuis 2017, portent en effet le monocoque d’Alan Roura dans une nouvelle tranche de performance. Alors, qu’en est-il ensuite du marin ?
« Je m’en sens capable aussi, assure-t-il. Cela représente 25 jours de moins que mon premier résultat en 2016-2017… C’est énorme, mais c’est aussi pour cela que j’ai changé de bateau et que je me prépare depuis plus de trois ans. J’ai le sentiment d’être monté en puissance d’année en année, avec le record de l’Atlantique en apothéose, où je suis vraiment allé dans le dur. Je vais tout donner, avec comme principale ambition de bien faire les choses. » À la barre d’un IMOCA de 2007, certes profondément modifié et constamment amélioré ces dix dernières années, le navigateur suisse n’aura donc aucune prétention à la victoire. Mais le dessein qu’il s’imagine à bord de La Fabrique reste chargé en objectifs de performance, dans un rôle d’outsider où l’on ne l’attend peut-être pas : « 80 jours, c’est une barre symbolique, mais sportivement cela fait sens aussi. Je ne vais pas tenter la gagne, je n’ai ni le bateau, ni le budget, ni l’expérience pour. J’apprends encore et au regard des temps des éditions précédentes, je trouve que ce serait déjà une très belle performance. » Quelle place pourrait alors viser Alan ? Bien que le Genevois refuse de se risquer aux pronostics, il peut être bon de rappeler qu’en janvier 2017, ils étaient trois à terminer le tour en 80 jours tout pile : Jean-Pierre Dick, Yann Éliès et Jean Le Cam, qui avaient respectivement terminé aux 4ème, 5ème et 6ème places. Cette année, avec 8 bateaux neufs au départ, les cinq premières places devraient théoriquement être déjà réservées. Restera-t-il une place pour se glisser dans le Top 10 ? « Si j’arrive à terminer en moins de 80 jours, le classement suivra, j’en suis sûr. » Le mystère reste entier, rendez-vous à l’arrivée, le 27 janvier 2021 ?
Photo © Christophe Breschi / La Fabrique