Rachat du bateau fin 2021, annonce de nouveaux sponsors quelques mois plus tard, chantier express et saut dans le grand bain dans la foulée… Le lancement du nouveau projet de Vendée Globe d’Alan Roura a démarré l’an dernier sur un rythme effréné. À l’heure du bilan, le jeune navigateur faisait preuve d’une inébranlable lucidité quant à ce qui lui a manqué en 2022 et, surtout, sur ce qu’il lui faudra en 2023.
« Je n’ai pas encore le mode d’emploi du bateau dans toutes les conditions. » Tel fut le bilan qu’Alan Roura tirait après une première saison à la barre de son nouveau bateau. Ce n’est en effet pas pour rien que les skippers de la Classe IMOCA admettent tous avoir besoin d’un ou deux ans de pratique avant de pouvoir prétendre connaître parfaitement leur monture. Du haut de ses 30 ans, à peine (Alan fêtera son anniversaire le 26 février prochain), le Genevois sait donc qu’il a encore à faire afin de tirer le plein potentiel de Hublot. « Cette nouvelle génération d’IMOCA marque notre entrée dans une nouvelle ère de la navigation en monocoque, admet-il. Cela n’a plus rien à voir avec ce que j’ai connu auparavant et je dois quasiment réapprendre à naviguer complètement. » À la barre de bateaux datant de la décennie précédente depuis le début de sa carrière, Alan découvre en effet une nouvelle façon de vivre en mer, bien différente de celle que ses années de voyage et premières expériences en régate lui ont appris. « Mon approche de la mer et la lecture que j’en ai en tant que marin restent mes plus grands atouts, je sais que je dois conserver cette force, ajoute-t-il. Je dois en revanche m’adapter aux nouvelles exigences que demande ce type de bateau et basculer totalement dans un nouveau mode de navigation en compétition. »
Car si le gain en vitesse des IMOCA à grands foils est incontestable, leur comportement en haute mer est, lui, loin de faire l’unanimité. Ou, au contraire, met tous les marins d’accord : « C’est tout bonnement invivable à bord ». Se déplacer, se nourrir ou encore se reposer deviennent en effet de véritables défis quotidiens pour les skippers, chez qui ces nouvelles machines vont puiser dans les ressources les plus profondes. « La moindre action requiert une énergie folle, explique Alan, nous encaissons des chocs constamment et finissons par accumuler un grand nombre de pertes en tout genre : sommeil, forme physique, apports caloriques… Cela finit forcément par affecter notre mental et donc notre capacité de concentration et peut amener à un manque de lucidité au moment de faire certains choix fondamentaux pour la performance. Et tout ceci est totalement nouveau pour moi. »
Tout comme le chantier d’hiver 2023 de Hublot vise à en optimiser la vitesse dans différentes allures, le programme de préparation d’Alan de l’année aura pour objectif de travailler plusieurs axes de progression en simultané. À terre, d’abord, puis en mer après la remise à l’eau du bateau, le 6 mars prochain, avec une première phase d’entraînements à Cascais, au Portugal, avec un autre IMOCA.
Travail sur le sommeil : Ce fut l’un des constats de la Route du Rhum : la gestion du sommeil est de plus en plus difficile à bord des nouveaux IMOCA. Tandis que le repos est l’un des aspects principaux de la gestion de soi, Alan réalise aujourd’hui ne plus être à même de bien optimiser ses phases de sommeil. Un travail sur le long terme a donc débuté dès le début d’année avec un chercheur et un professionnel du sommeil qui tâcheront de déterminer le schéma type des cycles d’Alan, afin de les analyser et d’en tirer certains outils qui l’aideront à mieux récupérer une fois en course. « J’ai toujours maîtrisé mon sommeil de façon assez naturelle, probablement grâce à ces années passées en mer pendant ma jeunesse. Mais chaque opportunité de se reposer doit désormais être saisie et chaque micro-sieste doit être la plus efficace possible. Et cela, aussi, nécessite de l’entraînement. »
Travail sur le mental : Alan a entamé une collaboration avec une neuropsychologue et préparatrice mentale depuis l’année dernière. Ce travail se poursuit donc et s’est même renforcé cette année auprès d’un deuxième coach spécialisé dans le sport. « Notre résistance mentale est mise à rude épreuve à bord de ces engins et cet aspect de la préparation, dont j’avais jusqu’ici pu me passer, devient indispensable pour rester concentré et lucide tout au long des courses. Mes deux coaches me permettent d’en apprendre davantage sur moi, en tant qu’homme ainsi qu’en tant que marin, et me poussent dans mes retranchements afin de parvenir à garder la tête froide, même dans des conditions de fatigue ou de sollicitation physique extrêmes. »
Travail sur la nutrition : Les dépenses énergétiques étant de plus en plus fortes au gré des manoeuvres et des encaissements de chocs, la nécessité de compenser en apport d’énergie calorique n’en devient que plus importante. Depuis le début du mois, Alan est donc désormais accompagné par un diététicien, dans le but de définir un nouveau régime, à terre d’abord, pour gagner en énergie. Un travail sur l’alimentation à bord et selon les zones géographiques traversées suivra dans un second temps. « Ça me fait bizarre de prendre mes petits compléments en pilules et de manger mon quinoa, mais je vois déjà les effets, constate Alan. Je sens déjà que j’ai plus d’énergie, que mon alimentation est plus complète et répond davantage à mes besoins. »
Pratique régulière du sport : S’il est d’un naturel athlétique et si la pratique des sports nautiques fait partie de ses loisirs récurrents, Alan a décidé cette année de reprendre une routine plus cadrée de son activité physique. En parallèle d’une préparation hebdomadaire (renforcement musculaire, prise de masse, cardio, proprioception…), le jeune touche-à-tout s’est ainsi initié à l’escalade et au vélo de course, dans le but de se muscler davantage les jambes et de travailler, là encore, son endurance. Mais aussi de partager d’agréables moments en peloton, le cyclisme étant pratiqué par nombre d’autres marins et membres d’équipes techniques. Certains défis ponctuels devraient également venir rythmer son année…
Session d’entraînement au Portugal : Fin mars, Alan et Hublot quitteront Lorient pour une quarantaine de jours d’entraînement à Cascais, au Portugal, avec un autre bateau. Un cadre de travail qu’Alan a en tête depuis quelques temps, sans avoir toutefois jamais eu l’opportunité de l’intégrer à des plannings souvent déjà chargés. Cette année sera la bonne pour le Suisse, ravi d’aller naviguer dans une zone où le vent est toujours présent et les conditions de large à proximité directe. « L’objectif est de s’entraîner à deux, d’alterner les in-shore, les speed tests et les off-shore, pour se comparer. Alex Thomson devrait nous y rejoindre pour une dernière phase de passation, écourtée l’an dernier faute de temps. Ce sera également l’occasion de tester toujours de nouvelles choses, de nouvelles configurations, nos nouvelles voiles, de valider les décisions prises pendant le chantier et de poursuivre notre travail sur l’ergonomie de vie à bord et sur le matossage. Mais aussi d’emmagasiner et traiter un maximum de données, dans des conditions variées et souvent optimales dans les alizés portugais. » L’objectif de l’escapade est clair : travailler la performance, avec du beau monde à bord.
Travail sur l’eau : 2023, première « année pleine » du projet d’Alan, sera l’occasion de poursuivre ce qui fut déjà mis en place l’an passé, avec davantage de temps. Entraînements à objectifs ciblés, sorties techniques, réglages, tests et navigations offshores s’étaleront donc sur l’année, en solitaire, en double ou en équipage.
Travail avec Tanguy Leglatin : Après une première expérience en 2018, Alan et « coach Tanguy » affichaient tous deux une forte volonté de retravailler ensemble. « Je suis très chanceux, glisse Alan, car il est très demandé. » L’entraîneur lorientais définira donc un programme de navigations sur l’ensemble de l’année selon des objectifs de travail bien déterminés. « Tanguy va naviguer régulièrement avec nous, à Lorient et au Portugal. Nous allons tester et valider un maximum de choses, pour continuer d’apprendre à connaître le bateau et à optimiser nos réglages. Il ne sera pas forcément toujours à bord non plus, car de l’extérieur, il a un meilleur regard sur la stabilité des voiles, sur l’assiette du bateau et sur son comportement en général. Il prendra aussi part à certaines décisions techniques… Il fera presque partie de l’équipe finalement. »
Travail sur l’analyse de données : Le recrutement de Pierre Moizan au poste de responsable des systèmes embarqués l’an passé, habitué à travailler avec Tanguy Leglatin, visait également à développer une première cellule de performance au sein du Hublot Sailing Team. Cette « cellule » sera renforcée par l’arrivée du co-skipper d’Alan, qui participera lui aussi activement à l’analyse de données et à la recherche de performance.
Travail sur la météo et la stratégie : En plus des sessions de travail et briefings d’avant-courses proposés par Lorient Grand Large, structure dédiée à la course au large à Lorient, Alan approfondira encore ses connaissances météo avec son co-skipper ainsi qu’avec Tanguy Leglatin. Une fois le mode d’utilisation du bateau parfaitement maîtrisé, dans toutes sortes de conditions, Alan disposera de toutes les clés nécessaires à sa prise de décision stratégique en course. Car rappelons-le, chaque bateau possède son propre panel de « compétences » et c’est en fonction de ces performances spécifiques que son skipper détermine sa route. « L’an dernier, j’ai parfois manqué des connaissances me permettant de choisir la stratégie la plus adaptée à Hublot et d’adapter ainsi ma trajectoire, avec l’objectif d’aller, toujours, le plus vite possible » développe Alan.
Participation aux courses : Le planning est fixé : Alan, son co-skipper et Hublot participeront à l’ensemble des courses du championnat IMOCA Globe Series. « Plus nous naviguerons en course, mieux nous serons armés pour aborder le rendez-vous majeur de la saison, la Transat Jacques Vabre, résume Alan. Avec un objectif de performance affiché. » Le Retour à La Base, course retour en solitaire entre Fort de France en Martinique et Lorient, permettra ensuite à Alan de continuer à marquer des points au classement de sélection au Vendée Globe et servira également de transition avant le retour au solo, en 2024.
Le début de saison s’annonçait calme pour Alan Roura, le calendrier 2023 ayant laissé la part belle à The Ocean Race, le tour du monde en équipage avec escales. Mais les 5 bateaux engagés sur la course désormais partis pour plus de 6 mois de mer, la Classe IMOCA a finalement renforcé son programme sportif, avec une 4e édition de la Guyader Bermudes 1000 Race en guise de reprise, dès le mois de mai. En double cette fois, puisque la majorité des courses de l’année se courra à deux. « La possibilité d’ajouter de nouvelles courses a été évoqué assez rapidement l’année dernière, explique Allyson Mousselon, Team Manager du projet. Avec un chantier d’hiver court et donc une mise à dispo du bateau tôt dans l’année, notre priorité restait de s’entraîner un maximum. Finalement, tout s’organise parfaitement puisque nous serons de retour à temps pour le départ de la première course de la saison. » Après une première participation à l’événement brestois l’an passé, une quinzième place à la clé, à l’issue d’à peine deux semaines de navigation à bord de Hublot, Alan reviendra donc cette année, plus fort, plus affuté et bien accompagné. La saison est d’ores et déjà lancée !
6 mars : Remise à l’eau de Hublot Mi-mars : Premiers entraînements à Lorient Mars-Avril : Entraînements au Portugal 7 mai : Départ de la Guayder Bermudes 1000 RaceJuin-Juillet : Entraînements à Lorient 22 juillet : Départ de la Fastnet Race Août-Septembre : Entraînements à Lorient 20-24 septembre : Défi Azimut Octobre : Derniers entraînements à Lorient 20 octobre : Ouverture du Village de la Transat Jacques Vabre au Havre 29 octobre : Départ de la Transat Jacques Vabre22 novembre : Départ du Retour à La Base
Photo © Pierre Bouras / Hublot